Le marché immobilier de Charlevoix-Ouest connaît une hausse importante des prix depuis quelques années, alors que plusieurs nouveaux résidents s’installent dans la région et que le nombre de propriétés à vendre sur le marché ne cesse de diminuer.
Certains citoyens redoutent que des investisseurs profitent de la situation actuelle pour n’en retirer que des bénéfices financiers. Ce phénomène se nomme, dans le jargon immobilier, la spéculation foncière. L’équipe de TVCO a rencontré le professeur-chercheur Pierre J. Hamel, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) du Québec, pour comprendre ce phénomène et son application à la région de Charlevoix-Ouest.
Monsieur Hamel spécifie d’entrée de jeu qu’il est très difficile, voire impossible, de déterminer avec certitude si un cas de vente de propriété peut être le reflet de ce phénomène foncier. Ainsi, un cas de mise en vente d’un terrain dans le secteur de Cap-aux-Corbeaux à Baie-Saint-Paul, affichée publiquement à plus de 15 millions de dollars au cours des dernières semaines, ne peut pas, de prime à bord, être qualifié de cas de spéculation foncière. « La spéculation, c’est entre les deux oreilles. Ça dépend de qu’est-ce que la personne [qui vend] anticipe », affirme monsieur Hamel. « Quand la seule intention, c’est de faire de l’argent, c’est ça de la spéculation », résume-t-il.
Législations municipales
À savoir s’il est possible de légiférer pour contrôler l’augmentation des prix sur le marché immobilier, et par la bande, de limiter les cas de spéculation foncière, le professeur-chercheur indique que les municipalités n’ont pas de pouvoirs législatifs puissants, d’autant plus que cette situation ne serait pas nécessairement à leur avantage, puisqu’elles perçoivent des taxes foncières à partir des évaluations financières qu’elles effectuent. « Une façon de couper de beaucoup le coût à la spéculation, c’est d’augmenter de beaucoup l’offre [immobilière] », donne-t-il en exemple.
D’autres solutions pour limiter l’augmentation des prix immobiliers seraient de rendre une ville ou un village moins attrayant pour les gens de l’extérieur, ce qui ferait diminuer la demande en propriétés. Dans un autre ordre d’idées, les municipalités peuvent orienter leurs règlements municipaux pour contrôler le nombre et la répartition de certains types d’habitation sur leur territoire, par exemple, les habitations locatives à revenus. « Vous ne pouvez pas interdire les Airbnb […] Alors vous pouvez dire : les Airbnb, ça va être dans tel secteur, tel coin de rue, voilà ! Et pas ailleurs ! », explique monsieur Hamel, avant d’ajouter que « dans le système québécois, vous ne pouvez pas interdire, vous pouvez orienter, vous pouvez limiter, mais vous ne pouvez pas interdire ».
Législations provinciales
En ce qui concerne les pouvoirs législatifs du Québec, le professeur-chercheur mentionne que les autorités provinciales peuvent faire adopter des lois spécifiques qui pourraient réduire en partie la pression sur le marché immobilier, notamment en réduisant l’accès à la propriété pour les personnes qui ne sont pas actuellement résidentes du Québec. « Ce qu’on voudrait éviter, par exemple, c’est qu’il y ait des Ontariens, des Américains, qui viendraient acheter des terrains, puis des maisons dans Charlevoix, les laisser vides pendant 50 semaines sur 52, qui viendraient passer deux semaines de vacances dans leur beau chalet. Ça, ça, c’est à éviter », souligne-t-il.
La situation du marché immobilier dans Charlevoix-Ouest continuera fort probablement d’évoluer au cours des prochaines années. L’Institut de la statistique du Québec estime que la région connaîtra un gain démographique de plus de 10% au cours des 30 prochaines années[1].
[1] Source : https://statistique.quebec.ca/cartovista/demographie_prj_pop/index.html